02-08-2025
L'a b c d'une bombe atomique
Depuis l'utilisation de la bombe atomique contre le Japon par les États-Unis, la technologie nucléaire a évolué et les armes sont devenues plus puissantes. À quel point est-il maintenant complexe de fabriquer une bombe atomique ? La Presse fait le point.
Aurélie Lachapelle
La Presse
Comment fonctionne une bombe nucléaire ?
PHOTO ARCHIVES THE NEW YORK TIMES
Test nucléaire américain à Bikini, aux Îles Marshall, en 1954
Le principe au cœur de la bombe nucléaire (ou atomique, ce sont des synonymes) est la fission nucléaire : le fait de scinder un atome en deux.
La fission nucléaire est un processus qui crée énormément d'énergie et de chaleur. En se séparant, l'atome libère des neutrons. Ces neutrons libérés, dans une bombe, sont les éléments qui vont scinder à leur tour d'autres atomes, qui libéreront d'autres neutrons, qui eux scinderont d'autres atomes et ainsi de suite. C'est ce qu'on appelle une réaction en chaîne.
Donc, pour s'assurer que la bombe explose convenablement, il faut avoir assez de matière pour créer cette réaction en chaîne. Cette quantité minimale, c'est ce qu'on appelle la masse critique, explique Guy Marleau, professeur au département de génie physique de Polytechnique Montréal.
« La masse critique, ça veut dire suffisamment de noyaux rassemblés ensemble, de façon à ce que quand la réaction de fission se passe, elle s'entretienne elle-même. Supposons que la bombe soit une sphère. Si on a une masse trop faible, ces neutrons-là vont sortir et n'auront pas le temps d'interagir avec d'autres noyaux. »
De quoi est faite une bombe atomique ?
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Les centrifugeuses de l'usine d'enrichissement d'uranium de Natanz, en Iran
Certaines bombes atomiques, comme Little Boy (la bombe larguée par les États-Unis sur Hiroshima), sont des bombes à l'uranium. L'uranium 235 – aussi appelé uranium pur – est le seul élément présent dans la nature qui peut subir une fission. Mais il n'existe pas de gisement d'uranium 235. Pour en obtenir, il faut l'extraire à partir d'uranium 238 – aussi appelé uranium naturel – qui, lui, se trouve dans le sol.
L'uranium, sous forme solide (plus précisément hexafluorure d'uranium), est mis dans une centrifugeuse et est évaporé. Au centre, il restera l'uranium 235 et sur les parois de la centrifugeuse se retrouvera l'uranium 238.
De cette façon, on réussit à concentrer, étape par étape, l'uranium en uranium 235. Dans l'uranium naturel, il y a 0,7 % d'uranium pur.
« Ce qu'on fait, c'est l'enrichir jusqu'à 90 %, 93 %, pour avoir très peu de noyaux d'uranium 238, précise Guy Marleau. L'uranium 238 empêche un peu que les réactions de fission se produisent. En enrichissant à 90 %, 95 %, on a une quantité de masse minimum nécessaire pour la fission dans une bombe qui pourrait être portée par un avion. »
Et après ?
PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Le champignon au-dessus de Nagasaki à la suite de l'explosion de la bombe Fat Man, larguée par les États-Unis sur la ville japonaise le 9 août 1945
Dans une bombe atomique à l'uranium, deux masses critiques d'uranium entrent en collision pour créer l'explosion. « On prend deux masses et on les approche l'une de l'autre très rapidement en faisant sauter de la dynamite de chaque côté », dit M. Marleau.
Par exemple, on pourrait avoir deux cylindres d'uranium dans une bombe : un troué, et un plus petit qui se glisserait dans l'autre. Entre les deux se trouve un matériau qui absorbe les neutrons, pour empêcher une petite explosion prématurée entre les deux masses critiques.
C'est cette partie qui est la plus difficile dans la confection d'une bombe atomique, selon Guy Marleau. « Il faut prendre ces deux masses et les réunir très rapidement pour que ça ne fasse pas juste une petite explosion qui rejette les deux masses chacune dans leur position. »
Mis à part l'uranium, de quoi peut être faite une bombe atomique ?
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Un nuage de poussière s'élève dans le ciel de l'archipel russe de la Nouvelle-Zemble à la suite de l'explosion de la Tsar Bomba, le 30 octobre 1961.
Il existe aussi des bombes au plutonium et à l'hydrogène. Les bombes au plutonium fonctionnent comme les bombes à l'uranium, mais elles sont plus puissantes. Autre différence : le plutonium n'existe pas naturellement, il faut le produire à partir d'uranium. Fat Man (la bombe larguée par les États-Unis sur Nagasaki) était une bombe au plutonium.
La bombe à l'hydrogène fonctionne différemment. Plutôt que la fission nucléaire, elle fonctionne à partir de la fusion nucléaire : lorsque deux noyaux d'atomes fusionnent. « Dans une bombe à hydrogène, on a l'équivalent d'une bombe au plutonium qui réchauffe l'hydrogène suffisamment pour que la fusion se déclenche », explique Guy Marleau.
Une bombe à l'hydrogène est exponentiellement plus puissante qu'une bombe au plutonium ou à l'uranium. La Tsar Bomba, une bombe soviétique considérée comme la plus puissante de toute l'histoire à avoir explosé, était 3800 fois plus puissante que Little Boy.
La fission nucléaire est-elle utilisée dans d'autres contextes ?
PHOTO TED SHAFFREY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
La centrale nucléaire Crane Clean Energy Center, près de Middletown, en Pennsylvanie
La fission nucléaire n'est pas utilisée seulement dans les bombes atomiques. Elle produit beaucoup d'énergie, qui est transformée en électricité dans de nombreux pays. L'uranium sera donc enrichi de la même manière que lorsqu'on veut créer une bombe, mais « généralement, pour les bombes, on a besoin d'un enrichissement plus important », affirme Guy Marleau.
« Habituellement, la règle de l'art, c'est 3,5 % [pour une utilisation civile]. Mais quand on veut une bombe, il faut aller chercher 90 % », explique Matthieu Lavallée, qui a travaillé dans le domaine du nucléaire à Hydro-Québec pendant de nombreuses années.